Du Rêve Européen aux Yeux Éveillés
C’est en plein cœur du brouhaha d’Istanbul que la question fait surface, dans les odeurs d’épices du Grand Bazar, sur le Bosphore bleu nuit, et entre les tours de grès de la majestueuse Sainte-Sophie : Pourquoi la Turquie n’est-elle pas membre de l’Union Européenne ? La réponse à cette question est aussi complexe que la marchande de tapis d’Istanbul est habile. Naviguons ensemble sur les eaux tumultueuses de l’histoire de la Turquie et de l’Union Européenne.
L’Étreinte du Refus
En 1987, la Turquie a officiellement déposé sa candidature à l’adhésion à la CEE (anciennement la Communauté Économique Européenne, devenue aujourd’hui l’Union Européenne). Pourtant, l’onde de choc ressentie par cette déclaration n’a pas entraîné d’embrassade heureuse. Au contraire, c’est une danse de refus longue de plusieurs décennies qui a commencé.
Pourquoi un tel rejet ? De nombreux facteurs sont à considérer. D’une part, la question des droits de l’homme est souvent citée. Gérard-François Dumont, président de la revue « Population et Avenir », souligne que « des chapitres concernant l’adhésion de la Turquie n’ont jamais été ouverts à cause de la non-reconnaissance du génocide arménien et de l’occupation non reconnue du nord de Chypre par la Turquie depuis 1974. »
Le Serpent de la Démocratie
Le système démocratique turc a également été critiqué. L’Union Européenne privilégie les États de droit, caractérisés par des gouvernements élus démocratiquement, respectant les droits de l’homme et la liberté d’expression. De manière récurrente, la Turquie a montré des signes de dérive autoritaire. Amnesty International note une répression accrue de l’opposition, de la société civile et des médias indépendants en Turquie.
Le Mirage Économique
L’économie de la Turquie a également posé problème. L’Union Européenne a pour principe d’accueillir des pays ayant une économie de marché stable et capable de résister aux pressions concurrentielles au sein de l’Union. Stagnant entre prospérité volatile et crises économiques fréquentes, l’économie turque reste un mirage incertain pour les décideurs européens.
Un Choix de Société
Toutefois, au-delà de ces facteurs concrets, il s’engage aussi une question plus abstraite, une question d’identité, de valeurs communes et d’avenir. La Turquie, ce pont entre l’Europe et l’Asie, cette nébuleuse d’Orient et d’Occident, a-t-elle sa place dans le projet européen ? C’est un débat continu entre les européanistes convaincus, qui envisagent un projet d’Union large et diversifié, et les euro-sceptiques, qui conçoivent l’Union comme une tentative nécessaire d’intégration des valeurs occidentales.
Voyage au bout du Tunnel
Peu importe le fil de l’histoire que l’on déroule à travers les bazars d’Istanbul ou les salles feuilletées du palais de Bruxelles, la question reste à ce jour sans réponse définitive et continue de planer au-dessus du Bosphore. Que l’avenir réserve une union scellée, une rupture définitive ou un statu quo prolongé, les rives de l’Europe et de l’Asie garderont leurs regards mutuellement éveillés. Après tout, c’est ainsi que l’histoire a toujours fonctionné : un étranger qui frappe à la porte, et le reste du monde qui doit décider s’il l’ouvre ou le laisse attendre sur le seuil.