Syrie : abus et impunité dans les territoires occupés par la Turquie

Des photos sur les réseaux sociaux reprises dans les médias turcs le 17 juillet montrent un accueil chaleureux en Turquie pour deux chefs de faction de l'Armée nationale syrienne (ANS), une coalition informelle de groupes d'opposition armés que la Turquie soutient dans les zones du nord de la Syrie qu'elle occupe. Sur l'une des photos, les deux dirigeants sont accueillis par Devlet Bahçeli, chef du Parti du mouvement nationaliste turc (Milliyetçi Hareket Partisi, MHP), le principal partenaire de la coalition soutenant le gouvernement du président Erdoğan, et sur une autre, ils posent avec un chef de la mafia turque condamné. Ces photos sont un rappel brutal de l'incapacité de la Turquie à freiner les abus commis par les groupes qu'elle soutient.

Bahçeli et Alaettin Cakici, le chef de la mafia condamné, ont rencontré séparément les commandants Saif Abu Bakr et Mohammad al-Jassem, tous deux accusés par les États-Unis d’avoir perpétré et supervisé des abus flagrants par leurs factions respectives, la division Hamzat et la brigade Sultan Suleiman Shah. Les abus comprennent des homicides illégaux, des enlèvements, des actes de torture, des extorsions, des violences sexuelles et des saisies de biens.

Eux et leurs factions sont tous deux soumis à des sanctions américaines et al-Jassem, également connu sous le nom d’Abou Amsha, a même fait l’objet d’une enquête menée par une coalition de factions de l’ANS en décembre 2021. La coalition a déclaré qu’il était responsable de crimes contre des civils, notamment de menaces, d’intimidations, d’agressions et de vols. Les deux hommes continuent de diriger leurs factions sans être inquiétés, tout comme d’autres accusés d’abus. Et les zones du nord de la Syrie sous leur contrôle restent sans loi et peu sûres.

Cela est dû en grande partie au fait que la Turquie entretient depuis longtemps un climat d’impunité dans les zones qu’elle occupe dans le nord de la Syrie. Un rapport de Human Rights Watch de février 2024 a documenté les atrocités commises par diverses factions de l’Armée nationale syrienne, notamment les factions Hamzat et Sultan Suleiman Shah. Il s’agit notamment d’enlèvements, de détentions illégales (y compris d’enfants), de violences sexuelles et de torture. En outre, le rapport met en évidence des pillages, des vols et des saisies de biens généralisés, et révèle l’échec des mesures de responsabilisation visant à freiner ces abus ou à assurer une réparation aux victimes.

Des séances photos comme celle-ci démontrent que la Turquie non seulement ne s'intéresse pas à ces abus, mais semble plutôt féliciter et encourager les individus qui en sont responsables. L'association publique de Bahçeli avec les deux chefs de faction sape les efforts visant à les tenir responsables et signale une approbation tacite, ou une tolérance officielle, de leurs actions.

La célébration apparente de ces hommes en Turquie contraste fortement avec ses responsabilités en tant que puissance occupante, montrant un mépris flagrant pour la responsabilité, la justice et la stabilité future de la région.