Cette semaine, le Comité des Nations Unies contre la torture examinera le bilan de la Turquie en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements. Human Rights Watch fait partie des nombreux société civile des groupes qui ont soumis des preuves au comité selon lesquelles le bilan de la Turquie en matière de torture s'est considérablement détérioré depuis le dernier examen du comité en mai 2016.
Au lendemain de la tentative de coup d’État militaire de 2016, on a constaté une forte augmentation des signalements de personnes arrêtées en masse par la police et torturées parce qu’elles auraient des liens avec le mouvement de Fethullah Gülen, que le gouvernement accuse d’avoir mené la tentative de coup d’État.
Eyup Birinci, un ancien professeur d’école de la ville d’Antalya, dans le sud du pays, figurait parmi les personnes torturées, et Human Rights Watch a documenté son cas à l’époque. Battu si violemment qu’il a dû subir une opération abdominale d’urgence, Birinci a déposé de nombreuses plaintes pour torture, qui ont été rejetées à plusieurs reprises. Ce n’est qu’aujourd’hui, après la clôture d’une nouvelle enquête huit ans plus tard, que trois policiers et un médecin seront jugés : deux policiers pour torture présumée, un troisième policier et un médecin pour avoir ignoré ces allégations. Le cas de Birinci est une rare exception, car les autorités turques n’enquêtent pas sur la grande majorité des cas de torture présumée, et encore moins ne les traduisent en justice.
Human Rights Watch a également souligné l'échec des autorités turques à enquêter sur une série de disparitions forcées, notamment sur des cas de torture. Si certaines de ces disparitions ont eu lieu en Turquie, d'autres ont eu lieu à l'étranger et les services de renseignement ont rendu public et célébré le rapatriement forcé en Turquie d'individus qu'ils accusent d'être liés au mouvement Gülen.
Le Comité devrait également examiner le piètre bilan de la Turquie en matière de protection des réfugiés et des migrants contre les mauvais traitements dans les centres d’expulsion, ainsi que les cas documentés de torture et de fusillades de demandeurs d’asile à ses frontières.
Une autre question urgente et souvent négligée que le Comité contre la torture devra examiner est la responsabilité de la Turquie, en tant que puissance occupante dans le nord de la Syrie, de limiter et de garantir la responsabilité des auteurs de torture, de disparitions forcées, de violences sexuelles et d’autres abus contre les Kurdes et les Arabes par son propre personnel de sécurité et par les milices et la police syriennes opérant sous son contrôle.
Le Comité des Nations Unies sera probablement critique à l’égard des progrès réalisés par la Turquie dans la lutte contre la torture, mais le gouvernement turc ne devrait pas attendre son évaluation pour se rendre compte qu’il est loin d’être à la hauteur. Il est temps qu’il cesse d’ignorer les preuves et qu’il prenne des mesures audacieuses pour mettre fin aux abus et punir les auteurs.